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"Le silence de la mer"
par Vercors
Un livre clandestin
L'officier tente de persuader la famille qui le loge des bons sentiments de l'Allemagne envers la France. Il y parviendra presque et sera même sur le point de gagner la confiance de la jeune fille. Et pourtant elle ne dira pas un mot : ce silence sera rompu un instant seulement, à la fin, par un imperceptible « Adieu » qui marque l'impossibilité définitive de la communication.
On a reproché à Vercors que son Allemand apparaissait trop raffiné, aimable et humain. Si l'officier allemand s'était montré grossier ou agressif, le refus des deux Français aurait été prévisible et insignifiant Vercors voulait démontrer que même avec le meilleur des Allemands imaginable, musicien et francophile, tout rapport amical aurait été presque une trahison. Il fait le portrait d'un Allemnad sympathique : le premier désir d'un Français était de résister à cette sympathie et de se retrancher dans le refus. Débat entre amour et devoir : cet amour entre ennemis est impossible T La nièce repousse les sentiments qui lui inspire l'officier.
« La Belle et la Bête » = exemple d'une douce et longue habitude qui arrive à susciter compréhension et amour, fait allusion à la constance d'une conquête lente et progressive. L'Allemand prêche l'amour et la réconciliation dans son monologue qui dure six mois, mais il ne parviendra pas à convaincre ceux à qui il s'adresse. Le « bon Allemand » se révèle, malgré lui, un menteur. Dans sa dernière confession il avoue que, sans le vouloir, il a berné ses hôtes, et par honnêteté les prévient qu'il a menti le choc de cette révélation accélère le rythme du récit qui précipite vers son tragique dénouement. Après l'atroce désillusion du séjour à Paris, l'Allemand ne se révolte pas contre le régime hitlérien, mais il continuera à combattre en se proposant pour une mission au front qui masque un volonté de suicide.
L'écrivain comme artisan
Vercors refuse l'idée d'un narrateur démiurge omniscient qui connait et interprète la vie intérieure de ses personnages. Il préfère un narrateur observateur et témoin : il se limite à enregistrer ce qu'on peut voir et entendre (les paroles, les comportements, les gestes extérieurs de ses personnages). Leurs vie intérieure s'offre alors à l'interprétation du lecteur qui utilise les suggestions indirectes du narrateur.
Le vieil oncle narrateur est au début l'observateur détaché qui raconte et actualise les événements d'un passé assez récent. Il rapporte avec attention les attitudes et les discours de l'officier, et les variations de comportement de la nièce. Mais au cours du récit lui même est impliqué émotivement dans la dynamique de la situation, et il commente, réfléchit, trahissant sa participation.
Une composition presque théatrale
Vercors hésite à attribuer son ouvre à un genre précis : nouvelle, roman, récit. Mais la structure de cette ouvre est essentiellement théatrale :
O De brefs chapitres comme des scènes
O Deux parties comme deux actes
O L'intérieur d'une maison qui constitue le décor fixe de la confrontation entre les trois personnages
O L'éxterieur géographique qui n'est pas précisé ( l'incertitude de la région suggère que n'importe où, en France, des patriotes inconnus opposent leur refus silencieux à l'occupant nazi)
O Le monologue de l'officier a une organisation dramatique
L'oncle et la nièce ne parlent pas, mais ils jouent leur rôle à travers leurs attitudes et le langage du corps et des yeux. Nombreux sont les éléments visuels qui invitent le lecteur à « voir ». La succession de phrases brèves et la concision presque classique de la narration construisent un récit condensé.
Le parallélisme de certaines scènes confère une structure répétitive au récit : à la première entrée de l'officier dans le salon, correspond celle de la dernière rencontre et les modalités de ses visites sont toujours semblables, comme s'il suivait un rituel fixe. Les habitudes quotidiennes de l'oncle et de la nièce se répètent avec régularité : elles ne sont pas volontairement changées par l'arrivée de « l'étranger ».
Son long monologue dure environ six mois, de l'hiver 1940 au mois de juillet 1941.
La comparaison France/Allemagne constitue le noyau thématique des interventions sans réponse de l'officier. Cette juxtaposition génère toute une série d'oppositions : Esprit/Force, Amour/Haine, Lumière/Ombre, Parole/Silence, Belle/Bête, Chartres/Nuremberg, Paix/Guerre. Entre ces oppossitions, aucune possibilité de conciliation, malgré l'espoir de l'officier. La guerre est un processus irréversible que même l'amour ne peut arrêter : cause de la rencontre, elle sera la cause de l'adieu. Impuissance des hommes « de bonne volonté » à empêcher le conflit.
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